C. Bonniol, 2011

Texte publié in : Catalogue de l’exposition une installation, 2011, Médiathèque du Tampon
Soutenu par : Région Réunion, Département de la Réunion, Le Tampon, Médiathèque

 « On ne peut pas ne pas communiquer  »
Paul Watzlawick

 

Que se passe t-il lorsqu’une artiste qui s’intéresse aux interactions humaines est invitée à investir un espace d’exposition logé dans une médiathèque ?? La célèbre phrase de Paul Watzlawick nous rappelle que la communication est une nécessité pour l’homme, elle est partout, prend toutes les formes et se traduit aussi plastiquement dans les interrogations des artistes d’aujourd’hui.

Annaf est pluridisciplinaire, touche à tout, à l’aise avec les nouveaux outils et les nouvelles techniques. En quelques années elle passe d’un travail de la terre qui l’amène à construire chez elle son propre four, à l’utilisation du plastique pour ses propriétés sonores et réfléchissantes, à l’usage du son et de la lumière comme matériaux de création et d’expérimentation, ou encore à une approche du dessin exploitant tout en finesse, courbes et arabesques, de grands formats.

En filigrane de ce large panel, les mêmes problématiques abordées de manières différentes sous tendent sa pratique. Se retrouve là le questionnement sur ce vaste sujet qu’est la communication.

Depuis ses premières installations[i], il est question du contact avec l’autre. L’autre, c’est d’abord le spectateur qui, à travers l’invitation faite par la proposition artistique, devient acteur d’une situation. Annaf s’inscrit dans cette démarche, propre à l’art contemporain, qui fait de l’art une expérience tant pour l’artiste que pour le spectateur, une chose à vivre plus qu’une chose à contempler.

L’expérience artistique pour Annaf se construit dans l’espace. Affectionnant particulièrement la forme installation, ses projets sont à la fois pluri média et pensés pour un lieu. L’exposition une installation de Annaf est conçue pour le lieu précis qu’est une salle d’exposition dans une médiathèque. Les caractéristiques spatiales sont prises en considération dans la scénographie : hauteur de plafond, superficie, transparences des parois deviennent des éléments constitutifs de l’œuvre. L’artiste compose avec l’espace qui devient signifiant, communiquant, bien plus qu’une simple « boite » qui accueille des œuvres.

La fonction spécifique du lieu de l’exposition est aussi une donnée avec laquelle l’artiste compose. Aussi dans certaines pièces, c’est le message médiatique qui est interrogé. L’artiste aborde l’idée de communication sous plusieurs angles. Le travail sur la multiplication des éléments renvoie au groupe, à la communauté. La notion de dualité apparait comme un fil directeur dans l’exposition, comme dans l’ensemble de la démarche de l’artiste : l’ouverture sur l’espace extérieur s’oppose à l’impression d’enfermement donné par l’effet quadrillage que produisent les nombreuses horizontales et verticales du lieu ; la nature joue avec l’artifice ; le noir dialogue avec le blanc. Et puis il y a le mot…le mot parlé, le mot entendu, le mot écrit, le mot lu, le mot pensé, exprimé ou inexprimé, reçu ou évaporé…le mot intervenant comme liant de cette réflexion sur la communication.

Avec cette première exposition monographique, Annaf trouve l’équilibre entre prolifération et économie de moyens. C’est un moment important dans le parcours créatif de l’artiste qui dévoile des aspects plus personnels de son travail, notamment dans une réflexion sur l’impossible communication avec les absents et paradoxalement leur présence dans la mémoire.

Dialectique entre la place des relations humaines et la force des souvenirs, ce sont des questionnements profonds qui s’expriment avec brio dans une pluralité de propositions livrées au spect-acteur.

Céline Bonniol
Janvier 2011

 

[i] Mandala(2006), Dispositif double jeu(2008)